Allez, allez… Contextualisons (un peu)
J – jeune homme de 19 ans – Qui ne va pas trop bien mais pas si mal quand même… Il est dans un moment de rupture, de réflexion et de grand changement.
Première conversation du 24 janvier 2017
Je propose à J de trouver lui-même ce sur quoi il voudrait travailler.
Il dit : « Qu’est qui me plaît vraiment ? Qu’est-ce que je pourrai faire pour moi (et pas forcément en référence aux autres) ?
Je lui demande de me raconter où il en est aujourd’hui. Il a choisi de faire des études de commerce, a fait une première année brillante sur le plan des résultats (deuxième de sa promo) mais a décidé cette année de tout arrêter. « Ces études, c’était un choix par défaut pour les voyages et le bon train de vie », dit-il.
Je lui demande de me préciser le problème auquel il se trouve aujourd’hui confronté.
« C’est plutôt un obstacle intérieur, ma peur de ne pas plaire… Je me suis senti pris au piège dans un système de dominos. Au bout du dernier domino, il y a eu la clinique où j’ai demandé à rentrer pour me faire soigner et lutter contre mon état de renfermement, ma paralysie intérieure et mes crises d’angoisse ».
Je lui demande alors de nommer le problème. « Spectros » dit-il sans hésiter.
Je lui demande de me le décrire, lui disant que j’aimerais faire sa connaissance. « C’est un peu comme un spectre, une ombre assez pesante. Il fait comme s’il disparaissait parfois, mais il revient à la charge dès qu’il voit une faille. Son objectif ? Ne pas me laisser prendre les bonnes décisions « .
Je lui demande de me décrire les effets de « Spectros » sur sa vie.
« Il me met dans le doute. Dès que je crois tenir une certitude, il la démolit. Du coup, j’ai tendance à suivre les idées des autres… C’est moi l’ange et lui le démon. Et le plus souvent, c’est lui qui prend le dessus ! ».
Je demande à J s’il peut me raconter un moment où il a pris le dessus sur Spectros…
« Il est moins présent dans certains moments… Quand je fais du sport par exemple… Si je lis un livre, il parvient à me déconcentrer et me ramène à des pensées parasites. Il m’empêche souvent de vivre le moment présent ».
Je demande à J quel pourrait être le crédo de « Spectros » ?
« Fais attention à tes faits et gestes »… « Sa présence a des effets négatifs sur ma vie sociale, parfois cela m’empêche de (re)contacter des gens… Heureusement, c’est différent avec les personnes avec qui je suis en confiance ».
Je continue à questionner J sur les effets de « Spectros » dans sa vie…
« Il arrive souvent avant que je fasse quelque chose ou que j’aille rencontrer des amis… Avant, il me rappelle les trucs à faire… Après, il me montre ce qui n’a pas été bien fait… Sur le moment, il intervient notamment s’il y a un petit couac dans la soirée en me disant que je suis débile, que je pourrai faire mieux, il m’installe dans un système de comparaison forcément négatif.
C’est un travail de sape assez usant… Fatigué par cette observation permanente, je baisse souvent les bras et fini par fatalisme à être d’accord avec lui ».
Je poursuis mon questionnement et continue à rechercher des moments d’exception…
J évoque une situation récente où il avait RV avec une personne inconnue et où il s’est senti « sans barrière, avec l’esprit libéré ».
Je lui demande comment il a fait pour réussir à déjouer « Spectros » ?
« Je me suis posé… Je me suis concentré sur ma respiration, j’y suis allé sans pression ! » dit-il ajoutant aussitôt : « Mais il est malin et perfide, car il arrive à me faire rejeter et me faire oublier ce qui marche bien pour moi ».
Nous arrivons au terme de cette première conversation et je demande à J ce qu’il a retenu de cette première expérience…
Il me dit que cela lui a fait beaucoup de bien de sortir Spectros de lui, de le voir comme un personnage extérieur, « de pouvoir le regarder autrement que comme un cancer qui prend le contrôle d’une partie de moi et me phagocyte, m’empêche d’être moi-même ».
Deuxième conversation
Je demande à J s’il a eu de nouvelles idées pour contrer « Spectros » depuis que nous nous sommes vus.
J fait référence à une série d’anticipation qu’il a regardé la veille et qui montrait une société où tout le monde se notait en permanence. « C’est comme si je me notais toujours. Et si je ne suis pas au top, « Spectros » débarque aussitôt ».
Je lui demande de me redire comment il avait fait pour prendre le dessus sur « Spectros » lors de ce rendez-vous qui s’était très bien passé…
« J’utilise une technique de gestion de stress apprise lors de mon séjour en clinique… Je me pose… Je me concentre sur ma respiration… ».
Je demande à J quels sont ses rêves du moment ? (L’objectif est d’étoffer le récit pour bâtir une nouvelle identité narrative).
« Envie de croire en mon rêve de faire de la comédie musicale, envie de ne pas m’arrêter au premier obstacle… Envie de prendre plus soin de moi sans trop chercher à faire plaisir aux autres… Envie de passer de l’invisible au visible… d’être moi-même, d’être naturel… M’assumer tel que je suis… sans me préoccuper constamment du regard des autres, sans faire systématiquement mon autocritique ».
Je lui demande de me décrire ce qu’il aimerait mettre en place pour accomplir son rêve… (J s’est inscrit à des stages de théâtre et de chant et devrait passer une audition pour être admis l’année prochaine dans un cours de comédie musicale qui fait référence).
Il me raconte cette première réunion d’information où il a été récemment et qui lui a donné envie d’aller plus loin, il me parle de son désir d’appartenir à une troupe… Avec impatience et sans stress, il dit attendre le début d’un premier stage en février pour « faire quelque chose de plus vivant ».
Je continue de le questionner sur le même thème. Ses objectifs ? Bien préparé son audition, être détendu dans sa tête, se remettre au sport (il a pour l’instant un souci au genou (je-nous ?))…
Il envisage avec confiance la perspective de ces 3 ans de formation pendant lesquels il espère pouvoir se faire repérer pour intégrer une comédie musicale… Peut-être même en anglais pour pouvoir voyager au Royaume Uni, aux USA et ailleurs… Il me parle d’une diversification possible aussi dans le cinéma ou la chanson, de la possibilité de faire une belle rencontre amoureuse…
Je lui demande quelles seraient les qualités nécessaires pour mettre en œuvre son rêve ? Sans trop d’hésitation, J établit une liste : travailler dur, être passionné et enthousiaste, avoir l’esprit d’équipe, faire preuve d’adaptabilité et d’ouverture d’esprit en acceptant les différences.
Je continue à le questionner pour trouver d’autres qualités/valeurs… Après un temps de réflexion, il ajoute à sa liste le « lâcher prise », une qualité très importante mais pour lui la plus difficile à atteindre…
La conversation du jour arrive à son terme… je lui demande ce qu’il retient surtout de notre conversation… Il dit : « Arrivé à avoir des pensées positives, à rester optimiste, à croire en moi…
« Lucky for lucky », conclut-il.
Troisième conversation
Après être revenu sur la conversation précédente, je propose à J un exercice pour redevenir auteur de sa vie. Et de garder un temps pour dresser un plan d’actions.
Je lui demande quelles qualités il lui a fallu pour se rendre à cette réunion d’information et suivre son rêve…
Il se reconnaît une forme de courage comme qualité… le courage d’abandonner ce qui était préétabli (le cursus de l’école de commerce, etc.), le courage de recommencer autre chose ; le courage de prendre des risques. Il lui a fallu une autre forme de courage pour aller se faire soigner dans la clinique où il est resté près d’un mois… Du courage encore pour accepter que ça n’allait pas bien malgré les très bons résultats scolaires et de tout arrêter pour mieux recommencer.
Je lui propose de nommer ce moment. Il choisit l’expression « un nouveau départ »… plutôt que « sensation d’avancer » ou « renaissance ».
Je continue à le questionner sur les valeurs liées à ce « nouveau départ »… « Le partage, le vivre ensemble, l’épanouissement personnel » dit-il. Il confirme son intention de faire plus de sports et de (se) créer un cercle vertueux (plutôt que vicieux).
Dans le temps qui nous reste, je lui propose de construire ensemble un plan d’action qui va pouvoir l’aider dans les semaines à et mois à venir.
– Sortir plus, voir du monde, « reprendre des soirées »… se constituer un nouveau réseau… faire partie d’un groupe à part entière…
– Trouver un petit boulot (hôte pour évènements via des agences spécialisées).
– Envisager une colocation un peu plus tard (il habite encore au domicile familial), « Idéalement avec quelqu’un avec qui j’en aurai envie »…
– Faire de la méditation… « Une amie m’a parlé de la possibilité d’intégrer un groupe »…
– Faire du sport avec d’autres gens. « Chercher la bonne fatigue ».
Pour conclure notre travail de 3 jours, je lui demande de dresser à chaud un premier bilan assez positif. J détaille ses envies :
– Me remettre les idées en place
– Me conforter dans mes propres choix
– Retrouver qui je suis, naturellement
– Me recentrer autour de ma vie et de mes besoins
– Mettre de côté les mauvaises choses (pour moi)








