Egocentrique moi ? Non pourquoi ?
Allez, allez… Contextualisons !
Je reproduis ci-dessous cette lettre à moi-même écrite il y a au moins trois ans pour solliciter une formation en art-thérapie.
Las, je n’avais pas réussi à trouver le financement institutionnel… Et le projet n’avait donc pas abouti… Du moins, sous la forme envisagée…

Auto-interview
L’autre : Merci de me recevoir. Je sais que ce n’est jamais un exercice facile que de livrer son intimité à un étranger fut-il un autre vous-même… Venons–nous en à toi (je me permets de te tutoyer) et à ton intérêt pour l’Art-Thérapie. Pour commencer, y’a-t-il eu un élément déclencheur ?
Moi : Un ou plusieurs plutôt… Peut-être faudrait-il plutôt parler de faisceau (au sens de la présomption) ou de conjonctions favorables (au sens des ajustements de planètes). Il s’agirait plutôt d’un sentiment diffus qui peu à peu gagne en vous et vous fait croire que le moment est venu d’ouvrir un nouveau temps de vie. Mais s’il faut absolument trouver quelque chose de plus précis… alors oui… peut-être (il réfléchit)… ce serait peut-être le jour où j’ai animé pour la première fois un petit atelier d’écriture avec des enfants en long séjour à l’Hôpital Robert Debré. Depuis deux ans je faisais partie d’une équipe de bénévoles qui s’occupait de « TV Robert » et proposait une émission mensuelle retransmettant en live un concert donné par des artistes musiciens dans un petit studio d’enregistrement interne à l’hôpital et retransmis dans les chambres. Pendant deux ans (2006/2007), j’avais tenu la chronique (textes et photos) de ces moments souvent forts où certaines stars de la chanson française venaient jouer gratuitement pour ces enfants malades. M’était alors venue l’idée de faire participer les enfants qui le désiraient à cette chronique et de les guider dans l’élaboration d’un petit document rendant compte du concert auquel ils avaient assisté. Assez intimidé, je m’étais ainsi retrouvé l’espace de quelques séances avec un petit groupe d’enfants à animer ce petit atelier d’écriture largement improvisé.
L’autre : Et comment s’est passé cette première expérience ?
Moi : Bien… Je me suis senti bien… Curieusement « à ma place », à cet endroit de contact avec les autres mais aussi avec cet autre-moi-même (peut-être toi ?… sourire…), cet autre qui se révèle presque « hors de moi », presqu’à mon « corps défendant ». Celui qui, en temps réel, trouve des ressources insoupçonnées (énergie, pensées et mots) comme venues d’ailleurs… Avec ce sentiment tout à fait exaltant et dont parle souvent les artistes – les musiciens notamment – d’être devenu un passeur. Avec sa force presque naïve, ce moment de grâce et de transcendance a t-il planté en moi un graine qui aurait mis quelques années à germer, à mûrir puis à vouloir s’épanouir ? C’est une des hypothèses…
L’autre : Que peut t’apporter ce contact « constructif » avec les autres (et je ne parle pas de moi cette fois) ?
Moi : Au cours de la décennie écoulée, il m’est arrivé à plusieurs reprises d’aider des amis. Soit dans une écoute simple soit – et c’est là où va ma préférence – pour contribuer à lever certains blocages éprouvés dans leur processus créatif. J’ai ainsi accompagné un ami très proche à monter sa première exposition photographique sur le thème des « Pieds du monde » (Biennale de Nancy 2005). J’ai également aidé un autre ami peintre à structurer son exposition « Blow-up » interrogeant les interfaces entre le réel et la fiction. Je concluais le texte que j’avais écrit pour présenter l’exposition en invitant le spectateur à « exercer son regard pour trouver sa propre vérité ». Je me suis par ailleurs retrouvé à plusieurs reprises en position de « Script-Doctor » pour aider d’autres amis auteurs-réalisateurs ou scénariste à développer ou finaliser leurs scénarios… Pour information, il faut peut-être préciser aussi que j’ai été impliqué dans l’association des artistes anonymes (2002/2004) dont les membres avaient pour point commun d’être des « dépendants » sevrés (alcool, drogues, etc.) peinant dans leur expression artistique. Groupes de paroles, plans d’action, travail en binôme… Cette pratique informelle m’a donné le « goût des autres » et permis d’apprécier la puissance constructive de ces échanges.
L’autre : Tu parlais de faisceau et de conjonctions favorables pouvant expliquer ton désir de devenir art-thérapeute ?
Moi : Me revient un souvenir… Jeune adolescent, j’avais accompagné mon père qui animait un stage au Nord de Rome. Pour apprendre aux stagiaires à améliorer leur perception de l’espace et mieux écouter leurs sensations, il avait décidé de les emmener de nuit à la découverte d’un village… Je me souviens précisément du puissant sentiment de liberté éprouvé cette nuit-là. Qu’en est-il aussi de l’héritage de ma mère qui a longtemps œuvré dans les années 1960/1970 à l’école Decroly où elle travaillait avec les enseignants à élaborer une pédagogie novatrice qui trouvait un prolongement dans une revue dont elle était la rédactrice en chef.… Il faudrait aussi parler de l’écriture, de mon écriture… Et remonter le temps pour trouver trace vers 14/15 ans de mon goût prononcé pour la littérature et la philosophie qui n’aura pas (bienheureux malheur ?) trouver de prolongement dans un cursus scolaire. Il faudrait alors à nouveau convoquer la figure tutélaire de mon père, écrivain prolifique (plus de 20 livres, record en cours) et de ma difficulté à sortir de son ombre pour trouver la voie (la voix) de ma propre écriture (de ma propre vie). Peut-être faudrait-il aussi parler de la rencontre avec ma femme en 1998 faite autour de l’écriture (décidément !), de mon admiration à la voir s’astreindre à sa discipline d’écrivaine. Auprès d’elle, je continue à jouer un rôle discret de soutien et de « directeur littéraire » bienveillant !
L’autre : Qu’en est-il de ta propre pratique « d’écrivant » ?
Je suis journaliste/rédacteur freelance depuis plus d’une vingtaine d’années essentiellement pour la presse professionnelle. Je suis aujourd’hui considéré comme une « bonne plume » et apprécié pour ma polyvalence. S’agit-il pour autant d’écriture au sens noble du terme ? La réponse est contenue dans la question. Depuis l’âge de 25 ans, je me suis confronté à différents genres d’écriture : la tenue d’un journal intime pendant de longues années, l’écriture de romans d’aventures jeunesse co-écrits avec mon père dans les années 1990 ayant donné lieu à plusieurs publications (Casterman, L’Harmattan), l’écriture de scénarios, une pratique étudiée en 2001/2002 à Aleph (Paris) et poursuivie par des ateliers clandestins » (sans supervision) montés à mon initiative avec plusieurs « apprentis scénaristes ». Sitcom, court-métrage, long-métrage… J’ai exploré différents genres sans pour autant connaître le succès. J’ai par ailleurs écrit pour « Synopsis », un magazine éphémère (2002/2003) dédié à l’écriture scénaristique. Parmi toutes ces collaborations, j’ai envie d’évoquer le « Roi Perdu » (2003) un scénario de long-métrage co-écrit avec un ami aujourd’hui président de l’Association Henri Langlois dont je suis adhérent. J’ai sous les yeux la note d’intention de ce projet… En voici un court extrait : « Ayant traversé de « multiples épreuves », le « Roi Perdu », renaîtra à lui-même retrouvant alors le chemin de son alignement intérieur. Et pourtant, tout reste à accomplir… » (rires). Ce thème de la connaissance de soi et des épreuves est au cœur d’un programme multimédia pour le web en cours de développement. Structuré autour de six web-portraits de personnalités atypiques, ce projet est provisoirement intitulé « Histoire(s) de vie ». Voici un extrait de la note d’intention : « Enrichis de l’expérience des autres, ce programme participatif vous propose un voyage vers l’intime à la rencontre de vous-même ». (sourires). Faut-il voir dans ces différents exemples des passerelles avec mon désir de devenir d’art-thérapeute ?
L’autre : Qu’en est-il de ta propre pratique « artistique » ?
Moi : Je ne me suis jamais considéré comme un artiste. Tout au plus comme un créatif. En marge de mes activités « alimentaires », je développe comme auteur-réalisateur plusieurs projets multimédia, un autre type d’écriture qui me stimule et m’ouvre un champs créatif tout à fait impressionnant. J’ai également « monté » l’atelier CCC (Création Créative Contemporaine (sic)) avec des amis sur un principe simple… On se réunit autour d’un repas chez les uns et les autres pour échanger et « brainstormer » sur nos projets créatifs ! Aujourd’hui, j’ai envie de professionnaliser cette pratique, de lui donner un nouvel élan. A ce stade d’intimité, peut-être convient-il de faire le lien avec mes nombreuses années passées sur le divan dont j’ai la coquetterie de perdre le décompte. Mon désir d’art-thérapie participe-t-il de la liberté conquise durant cette longue cure analytique (freudienne) encore inachevée ?
L’autre : Comment vas-tu aujourd’hui ?
Moi : (Rires puis long silence…). Je revoyais le chemin parcouru… La construction de ma vie familiale, le voyage avec ma femme au Kazakhstan en 2004 où nous avons adopté notre fille adoptive, mon père dont nous allons fêter dimanche ses 96 ans avec sa fiancée, une jeunesse de 70 ans !… Oui, aujourd’hui, j’éprouve de la gratitude et une forte envie de partage.
L’autre : Comment te vois-tu dans 10 ans ?
Moi : Contrairement à l’idée reçue très prégnante dans notre société « marketée » assimilant bien souvent les individus à des produits jetables (Aie, j’ai 57 ans, je fais du tennis deux à trois fois par semaine et je vous em… !), je considère encore que j’ai le temps devant moi et pas seulement pour un compte à rebours. Suffisamment en tout cas (si Dieu veut) pour me former à l’art-thérapie et préparer sereinement l’avenir. Je me verrai bien plus tard (dans 5, 10 ans ?) exercer hors-Paris dans un lieu collectif de production culturelle et artistique. L’expérience de la vie aidant, je compte bien que cette projection imaginaire me serve de fil d’Ariane pour passer du rêve à la réalité.
L’autre : Pour conclure, peux-tu me parler de ton projet de formation en art-thérapie ?
Moi : Il est encore beaucoup trop tôt. La logique voudrait que je m’appuie sur mon expérience et mes savoir-faire. Ma médiation pourrait donc s’articuler autour de plusieurs médias (écriture, vidéo, design sonore, photographie) mais je veux garder l’esprit et les sens grands ouverts pour laisser émerger d’autres formes si elles se présentent à moi au cours du travail de formation. J’ai déjà quelques idées bien sûr y compris en terme de « publics cibles » ; j’envisagerais volontiers d’acquérir une pratique incluant un volet « thérapeutique » pour des gens qui cherchent à surmonter une épreuve et un volet « coaching » pour des individus éprouvant des difficultés dans l’expression de leur créativité.
L’autre : Penses-tu avoir les pré-requis pour te lancer dans un tel parcours d’apprentissage ?
Moi : Ce n’est pas à moi de le dire (sourire). Oui et non… Tu es bien placé pour savoir à quel point je suis ambivalent et parfois double ! Je sais en tout cas que plus qu’un choix de raison, il s’agit d’un choix de vie. Le temps est venu de me rapprocher au plus près de mes aspirations profondes et de donner plus de sens à ma vie avec du partage et de la transmission. Mais tu le sais, aider l’autre est aussi un acte d’égoïsme…
Moi : Comment t’es-tu senti pendant notre entretien ?
L’autre : Ne renverse-pas les rôles. L’autre c’est (encore) moi (rires) !