« L’externalisation est une idée très puissante. »
« Le problème n’est pas la personne – La personne n’est pas le problème ».
Je demande à A ce qu’il a pu se dire sur le début de notre travail…
Sa réponse : « c’est stimulant, je suis en posture de curiosité qui m’ incite à continuer… Je crois que cela va me permettre d’avoir une vision globale de mon roman… Cela relance ma créativité ».
Je le questionne sur son état d’esprit du moment
Sa réponse : « Je suis en phase de convalescence mais je retrouve les appétits perdus. Lors de nos conversations, je me suis rappelé le mot d’Histrion (cabotin, imposteur), mot utilisé par R Barthes pour qualifier le diariste.
Le journal c’est faire qq chose avec une mauvaise conscience même si je sais que sous sa forme actuelle il pourrait intéresser des lecteurs.
Je manque de souffle… Il en faut pour écrire un roman (le souffle court suffit pour un journal). Il me faudrait de l’endurance…
Je lui propose d’évoquer quelqu’un de soutenant qui a joué un rôle déterminant…
A évoque un professeur d’université très brillant (donc très légitime) qui me disait : « vous écrivez bien vous ! ». A l’époque, je me disais : « J’aurais un destin d’écrivain… C’est la plus belle chose du monde ».
B a visiblement pris goût à nos conversations.
Je propose à B d’écrire une courte histoire avec Dérobade, Timidité, et Histrion (lui ?) comme personnage principal. A la manière d’une pièce de théâtre (avec bcp de dialogue)
Il accepte mais me dit que son temps est très occupé. D’après lui, son énergie est prise par ce travail d’élaboration et l’éloignerait de la création littéraire. (nouvelle excuse ?). A l’inverse, la préparation de ses cours l’aide à se forger des idées, des concepts… dont certains pourraient se retrouver ds le roman. A l’exemple de son concept de deux postmodernité, l’une d’acquiescement (OK avec l’héritage de mai 68), l’autre critique (réactionnaire ?).
Nous discutons sur la notion de contradictions excluantes… si je fais cela alors je ne peux pas faire ceci… Je trouve que B se place souvent ds ce type de système fermé. (cf. le peu de valeur qu’il accorde à son journal).
Je le questionne sur son plaisir à exercer sa profession. A relate ses différentes stratégies pour capter l’audience et pour intéresser sa classe. Son plus grand plaisir est de pouvoir faire revivre des personnages…« Je sers la déesse de la littérature. Transmettre c’est inculquer le respect de ce qui te dépasse, sortir de son cadre. Je me donne la possibilité de transmettre l’héritage de la littérature et la vérité qu’elle délivre sur la vie ».
Je reviens ensuite sur le « manque de souffle » dont il a fait état pour expliquer sa difficulté à écrire un roman.
Sa réponse : « Je n’ai pas de désir assez puissant, il faudrait être capable d’avoir un travail régulier, d’être sur « le chemin laborieux »… Je connais la méthode mais je ne l’ai jamais appliquée en matière de création. Je suis plutôt versatile et me complets dans la logique de la cigale en ayant la sensation de « flatter un travers ». Peut-être est-ce pour me dérober aux lecteurs et éviter par orgueil de m’exposer à un regard critique ? j’éprouve plus de facilité d’écrire pour qqun, des textes « cadeaux » ou des textes pouvant séduire…
Je lui demande de me raconter une histoire dont il a été acteur mettant en scène une qualité favorable à la création.
A raconte la conférence qu’il a donnée en avril 2015 sur le pouvoir de la littérature. Il évoque son aisance, le « plaisir fou » lors de la préparation qui rassemble plusieurs années de méditations, revient sur les félicitations post-conférence de ses collègues « faites avec beaucoup de sincérité » et vante l’originalité de son point de vue, sa faculté d’improvisation, son ton vivant et drôle, sa fluidité orale. la sensation enivrante de se sentir comme un athlète bien entrainé (par ses cours).
Mais à sa fluidité orale, il oppose sa difficulté à écrire. Reconnaissant pourtant qu’il doit bien y avoir un lien possible avec la création littéraire…
Je pose la question du lien avec les autres…
A semble interloqué… « L’oral c’est la jouissance immédiate… L’écrit : un retard de la jouissance, un exercice plus déceptif » dit-il.
A ma demande, A a accepté d’écrire une courte histoire avec Dérobade, Timidité et Histrion (lui ?) comme personnages principaux
Nous nous mettons d’accord pour prolonger le cadre de notre travail et pour questionner prochainement la structure narrative et les thématiques de son roman en devenir.
Après le départ de A, je note ma difficulté à me cantonner dans une posture décentrée, presque inverse de la position du journaliste qui cherche à pousser l’autre dans ses retranchements.
Je constate que je me suis laissé aller à parler de moi. Je me demande aussi si A n’est pas dans la séduction avec moi (un de ses sports favoris) et comment cela pourrait nuire à l’avancement de notre voyage.


