Aishiterou (séquence 5)

 

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SÉQUENCE 6/Intérieur nuit/Salle de restaurant

 Dans la vaste salle du restaurant de l’hôtel traditionnel japonais où résident Victor et Hamlet, une quinzaine de convives, vêtus de kimonos identiques, sont en train de manger assis par terre autour d’une grande table basse disposée en U. Près d’une cloison, de grosses carpes glissent dans l’eau d’un grand aquarium à ciel ouvert. Assis en bout de table, le PDG préside le dîner entouré par ses proches collaborateurs. De l’autre côté, Hamlet qui arbore autour de la tête un bandana aux couleurs du drapeau japonais est assis entre Victor saucissonné dans un kimono trop petit et Maiko, qui porte un splendide kimono de cérémonie. Pour servir les convives, une escouade de geishas vont et viennent dans un ballet élégant et silencieux. Tendant devant lui sa tasse à saké, le PDG porte un toast à l’attention de ses hôtes européens. Seule femme présente autour de la table, Maiko assure la traduction simultanée.

Le PDG

– Votre démonstration de ce matin a été très convaincante. Je suis sûr que nous allons faire de grandes choses ensemble…

Il boit son saké cul sec imité aussitôt par toute l’assistance. Avec une petite grimace, Victor engloutit l’alcool japonais avec une grimace qu’il tente de dissimuler. Maiko se penche vers Victor en train de regarder dans son assiette s’agiter un poisson cru encore vivant qu’une geisha vient de lui servir.

 Maiko (en aparté à Victor)

– Au japon, la coutume veut que vous remerciiez votre hôte en portant un toast à votre tour.

Les geishas versent du saké dans les tasses.

Victor (tendant sa tasse)

– Plutôt que de longs discours, je peux simplement vous dire ceci : ensemble, nous allons révolutionner le monde de la robotique.

Victor boit son saké cul sec aussitôt imité par toute l’assistance. Tandis que Victor regarde dans son assiette son poisson continuer à faire des soubresauts, les geishas versent à nouveau du saké dans les tasses de chaque convive. Le PDG tend à nouveau sa tasse et reprend la parole en regardant Hamlet.

Le PDG

– C’est la première fois que je m’adresse officiellement à une créature artificielle et j’en suis très ému. Je ne suis pas moi non plus un homme de discours. Sachez simplement que le japon est fier de vous accueillir sur son sol.

L’assemblée vide son verre. En guise de remerciement, le robot lève sa main droite en direction du PDG. Le silence se fait.

Hamlet

– Si j’arbore aujourd’hui, les couleurs de votre fier pays, c’est que je suis convaincu que nous allons trouver ici ce que nous sommes venus y chercher. Certes je suis une créature artificielle douée de paroles mais ce que je ressens ici et maintenant, aucun mot « humain » ne peut l’exprimer…

Sur le signal du PDG, l’ensemble de la délégation japonaise applaudit Hamlet. À ses côtés, Maiko le félicite.

Maiko

– Vous êtes un vrai poète…

Hamlet

– N’est-il pas poète celui qui sait que rien n’est plus précieux que la floraison rapide du cerisier ?

Maiko part d’un grand rire clair. Portant sa tasse pleine en direction de ses hôtes, le PDG reprend la parole.

Le PDG

– Mes amis, honorons ces mets délicats avant que cet excellent saké ne trouble tout à fait nos palais. Et que cette soirée de bienvenue soit à la hauteur de la qualité de nos invités !

Dans l’assiette de Victor, le poisson a cessé de bouger. Maiko se penche vers lui.

Maiko

– C’est un poisson extrêmement rare et très prisé par les Japonais.

 Sans succès, Victor essaie de s’en saisir à l’aide de ses baguettes. Aussitôt, le poisson se débat. Une geisha vient à son secours, saisit le poisson dans les baguettes et avec un sourire lui enfourne dans la bouche. La queue encore à l’extérieur de la bouche de Victor, le poisson continue à se débattre. Les joues gonflées, n’arrivant pas à avaler, le visage de Victor devient tout rouge. D’un geste discret, il reprend le poisson qui glisse dans son kimono. Pendant quelques secondes, Victor essaie de reprendre contenance et sourit à l’assistance. Soudain, il se lève en s ‘agitant et en faisant un grand geste du bras qui catapulte le poisson. Après avoir traversé la pièce en passant au ras de la tête d’un Japonais situé en face de lui, le poisson atterrit dans un grand aquarium aussitôt happé par une carpe à la taille impressionnante. Dans le silence général, Hamlet se tourne vers les Japonais.

Hamlet (en japonais)

– « Dans l’eau claire de l’étang,

les poissons nagent,

la fin des corps n’est pas la mort ».

La délégation japonaise répond à ce haïku improvisé par des courbettes déférentes. Tandis que Victor boit une tasse de saké et rajuste son kimono, Maiko traduit le poème à son intention.

Victor (visiblement saoul, en aparté à Hamlet)

– Tu commences à me chauffer avec tes citations à deux yens. Et cesse te regarder Maiko avec tes yeux de merlan frit !

 

 

 

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