Lettre à mon père…

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Dimanche 16 mars 2014 à 6 h 15… il s’est éteint… en paix m’a-t-on dit !

Mourir… Voilà… Mon père est mort… 97 ans, il en aurait eu 98 le 29 avril… On en plaisantait… Centenaire, un beau défi… encore une belle et grande aventure…

La veille, je le représentais à la Médiathèque de Meudon pour recevoir un prix gagné pour un concours littéraire organisé à l’occasion du printemps des poètes… Une lettre à… Ibrahim, son ordonnance kabyle qui lui avait sauvé la vie durant la deuxième guerre mondiale… L’adjoint au maire avait eu l’amabilité de dire quelques mots sur Jean, son passé d’explorateur et d’écrivain… Cela sonnait déjà comme un hommage posthume…

Avec J, nous sommes passés ensuite à Claire Demeure, un établissement de soins palliatifs et longue durée à Versailles où était morte ma mère en novembre 2009. Nous songions à l’y transférer pour mieux accompagner sa fin de vie et lui donner plus de confort.

Tout content, je suis revenu dans sa chambre… MJT était là… A voir sa tête, les nouvelles n’étaient pas bonnes… Il ne voulait plus ouvrir les yeux et restait obstinément tourné vers le mur… Rideau… il avait déjà tiré le rideau… Déjà en plein arrangement avec la mort… Je n’ai pas voulu voir, pas voulu y croire.

Il y a quelques jours encore, nous étions dans sa chambre avec ma fille. Alors que je le forçais gentiment mais fermement à manger en lui donnant quelques cuillères de compote avec ses médicaments tout en lui parlant, il m’a regardé, m’a souri… et m’a dit : tu es vraiment têtu !

Facétieux et obstiné comme il savait l’être, il m’aura pris de vitesse… Me laissant avec mes souvenirs.

Nos parties de rugby sur la terrasse de Meudon, notre tour de France en 2 CV à l’âge de 7/8 ans évoqué récemment avec mon cousin Marc… Je me souviens de tant de choses…

… De nos rencontres hebdomadaires aux Deux Magots, dans les nombreux restaurants de la Montagne Sainte-Geneviève ou ailleurs… De nos discussions sur ses projets de livres, sur mes projets, sur la vie, sur nos vies…

Jamais le fil n’avait été rompu… Au cœur même de ma période la plus sombre à New-York, il continuait à m’écrire… Sans faille, il m’a toujours soutenu… Ne cherchant pas à tout comprendre. Toujours là à sa manière pudique de père aimant qui ne m’avait pas voulu mais avait appris à m’aimer…

Dans un de ses sourires malicieux d’enfant curieux de tout, il m’avait dit quelques jours avant sa mort : « Je vis une aventure extraordinaire ». Pour lui, tout était sujet d’étude… Lui, le recordman du nombre de livres parus chez l’Harmattan !

La mort… Il y avait là un sujet de roman ou d’essai… Nous en aurions parlé, il m’aurait demandé mon avis… Il aurait griffonné quelques mots sur son éternel petit carnet… je lui aurais remis son chapeau, On se serait serré la main comme nous le faisions ces derniers temps…

Hier, j’ai senti une infinie douceur… Le temps de quelques secondes… Comme s’il essayait d’apaiser mon chagrin…

Que vais-je faire sans lui ?

Olivier Sauvy – Paris, 18 mars 2014

 

 

 

 

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