Ashiterou (séquence 9)

temple-bouddhiste-coree-800x532

SÉQUENCE 9/Intérieur nuit/Chambre Victor

Victor est affalé sur un futon.dans une semi obscurité. Il essaie d’enlever son Kimono et s’empêtre dans les larges manches du Kimono en maugréant quelques paroles sans suite entrecoupées de mots en japonais. Il parvient enfin à se dénuder et s’écroule à nouveau seulement vêtu d’un caleçon long. Un peu à l’écart, Hamlet est assis sur la chaise de bureau. Ses diodes lumineuses multicolores clignotent doucement et éclairent la pièce par intermittence.

Victor

– Je n’aurai jamais cru que c’était ça l’amour…

N’obtenant pas de réponse, il essaie de relever la tête qui retombe aussitôt.

 Victor (ironique)

– Alors créature artificielle, tu ne dis rien. Tu te fous comme de ton premier boulon de l’infortune de ton créateur !

Les diodes d’Hamlet clignotent plus rapidement.

Hamlet

– Je n’ai pas de parents, je n’ai pas de corps… L’adaptabilité à toutes circonstances est mon seul principe…

Victor éclate d’un rire sonore et parvient difficilement à installer sa tête sur son coude. Il regarde en direction d’Hamlet

Victor

– Dieu a fait l’homme à son image…

Hamlet

– N’est-ce pas plutôt l’homme qui a créé Dieu à son image ?

Victor tente de se redresser et installe un coussin sous sa tête

 Victor

– Faire jaillir le vivant de l’inerte… L’homme a fait la machine à son image… Nous sommes les nouveaux cabalistes  modernes, les nouveaux apprentis sorciers. Je suis celui qui met l’esprit dans la matière… Vous donner vie, c’est créer de nouveaux dieux…

Hamlet ne répond pas. Victor se redresse et le regarde.

 Victor

– Un jour, les machines nous ferons disparaître. Vous serez alors devenues l’éternité de l’homme, son prolongement divin… Quel destin…

Hamlet

– « L’homme n’est peut-être qu’un pont ».

 Victor tente de se lever puis retombe sur le lit.

Victor

Et en plus, on connaît son Nietzsche par cœur. Toute la mémoire de l’homme sur un support en silicium… Le transbordement de notre conscience… Le Robot Sapiens !

Verse- moi plutôt à boire, j’ai soif… Il fait une chaleur dans ce satané pays !

Hamlet se lève et prend une bouteille d’eau minérale dans le minibar qu’il verse dans un verre. Puis il marche lentement vers le lit et le tend à Victor. Celui-ci se redresse et d’un geste trop brusque renverse l’eau sur le lit. Il s’allonge à nouveau et éclate de rire…

Victor

Ah… La finesse de sa peau… Et ses cheveux si noirs, si longs… Et ces yeux dont on ne sait jamais ce qu’ils cachent…Toute cette beauté, réunie dans un être unique… Cela, tu ne pourras jamais le ressentir… Je n’aurai jamais du boire leur saké… Elle ne me le pardonnera jamais… Et toi qui n’a cessé de la charmer… Et tatata…Une citation par ci…. Et tatati… Et que je te parle japonais parce que je suis très intelligent… Et tatata… Et une pensée profonde par là…Non mais tu te prends pour qui ? Tu ne sais pas à qui tu parles… N’oublie jamais, en une seconde, tu peux redevenir une vulgaire boîte de conserve tout juste bonne à quelques tâches ménagères… Je te connais mieux que je ne me connais moi-même…

Assis sur sa chaise, Hamlet ne dit rien. Ses diodes lumineuses se sont mises en veilleuse. L’obscurité est presque totale. Dehors, on entend le chant des premiers oiseaux. Victor redresse la tête.

Victor

– Créature orgueilleuse, sache que l’émotion est la partie la plus complexe de nos cerveaux humains… Me voilà dévasté par l’amour et toi tu es là comme une bûche incapable de la moindre compassion pour celui qui t’a donné vie…

Hamlet se lève et va allumer une petite lampe de chevet. Puis il se rapproche de Victor.

 Hamlet

– Qui sait ? Je pourrai peut-être t’aider à sonder l’âme de Maiko. Je n’ai pas d’oreilles, mais je sais écouter…

Victor se redresse et tente de se lever. Hamlet esquisse un geste pour le soutenir. Victor se dégage et en titubant, parvient au minibar où il prend une bouteille d’eau minérale qu’il engloutit d’un trait. Puis il s’assoit sur le chaise du bureau et regarde Hamlet resté debout.

 Victor

– Pourquoi pas ? Après tout, je n’ai rien à perdre… Seul, je n’y arriverais pas…

Victor se lève à nouveau, éteint la lampe et s’écroule sur le futon.

Victor

– C’est l’heure du repos des hommes mon petit Hamlet… ! Elle m’a promis de m’emmener demain matin visiter un temple bouddhiste…

Laisser un commentaire