
Timidité
Il passait et repassait devant le café en scooter, essayant de l’apercevoir à travers la vitre…
Elle était là, il la voyait assise, accompagnée, très entourée.
Il osa freiner pour mieux la distinguer. Puis, il accéléra…
Son image persistait. Il fit demi-tour et repassa devant le café, pas trop lentement pour ne pas être vu. Puis, il accéléra à nouveau, furieux contre lui-même d’être si enfantin. A son âge…
Il décida de rentrer chez lui. Il y aurait bien un match de foot à la télé pour se changer les idées. Mais il savait que ça ne marcherait pas. Que l’obsession prendrait toute la place. Il savait qu’il allait s’en vouloir. Il fallait qu’il lui parle. Plus encore, il fallait vaincre cette peur stupide, cette chronique timidité, ce putain de handicap.
Alors, il gara son scooter, devant le café, prenant des risques. La peur n’est jamais si forte que lorsqu’on l’imagine…
Il s’exhorta à ne pas trembler au moment d’attacher son scooter autour d’un arbre. Attaché à quelque chose en toutes circonstances.
Il parvint difficilement à introduire la clef dans l’anti-vol. Au ralenti, son trousseau de clefs glissa dans les interstices de la bouche d’aération. Un vrai cauchemar. Il regarde autour de lui pour voir s’il a été vu. Mais il sait que la plus vigilante des sentinelles est tapie en lui. Non, elle parle, lui tournant le dos, agitant ses mains…
L’éclat des clefs scintillent à la lumière de son briquet. Il est couché par terre, dans une position absurde, le bras plonge dans la bouche d’aération. Les crampes le gagnent à force d’étendre son bras. Ses doigts effleurent les clefs.
Une main lui tape sur l’épaule. D’un bond, il se redresse. C’est elle, d’une blondeur aveuglante, plus belle encore que dans son souvenir.
« Qu’est-ce que tu fais là ? »
Il entend presque sa salive passer la barre de sa pomme d’Adam. Envie de crier. Aucun son ne sort. C’est le rire qui fuse, un rire trop fort, incompressible et sauvage qui l’envahit tout entier à le tordre.
A son tour, elle est gagnée par le fou rire. A travers ses larmes qui délavent sa vision, il la voit rayonnante, entourée d’un halo. Elle halète, elle hoquette. A la recherche d’une respiration, elle s’appuie sur son bras.
Il sent son odeur, il devine sa peau, il aperçoit le saint du saint, l’endroit caché, le velouté de sa nuque, son petit duvet accueillant. Le rire cesse aussitôt.
Ses amis arrivent à la rescousse. Elle lui dit au revoir. Disparue, à jamais…